Mon interview dans le magazine Studio Multimédia

Bruno Mathieu du magazine Studio Multimédia m’a proposé de m’interviewer pour le numéro d’été (n°80, daté juillet-août) sur mon travail et celui de Meteor sur le film Fantastic Four.

Voici la dite interview :

Bruno Mathieu : Bonjour Lucas. Merci de votre accord concernant l’interview. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs (profession, passions, précédentes activités, etc.) ?

Lucas Janin : Je suis un infographiste 3d spécialisé dans les effets. Je travaille à Meteor Studio (Montréal) comme superviseur technique du département Fx depuis 3 ans. Pour le projet Fantastic Four, j’ai également occupé le poste de superviseur du département FX. Précédemment, j’ai travaillé dans le domaine de la postproduction pour la publicité à Barcelone pour Video Effecto appartenant au groupe Das Werk. En dehors de la 3d, ma seconde passion est la photographie. Malheureusement la première prend souvent toute la place de la deuxième.

BM : Etiez-vous un lecteur de comics durant votre jeunesse ?

LJ : Oui, mais je ne me considère pas comme un fan. J’étais (et je reste) plus attiré par la BD européenne. D’ailleurs le cinéma devrait regarder de ce côté là, les scénarios des BD sont vraiment plus intéressants que ce que nous voyons généralement sur le grand écran.

BM : Quelles sont les innovations techniques dans le film ?

LJ : À Meteor studios, nous avions travaillé sur plusieurs autres longs-métrages (scoobydoo 2, Catwoman, Electra et Exorciste 0). F4 était le plus gros des projets en nombre de plans (250) et en terme de complexité de l’intégration. Le pont de Brooklyn a dû être entièrement modélisé et texturé. Un gros travail d’éclairage a dû être fait avec diverses méthodes de rendu sous Renderman (ambiant occlusion, baking occlusion,…)
Dans le département FX, nous avions 99 plans à réaliser. L’une des difficultés était la création d’un effet relativement simple (plusieurs émissions de fumée) mais dans plus de 70 plans souvent raccords. Pour cela j’ai développé un script MEL pour semi-automatiser la création de cet effet. J’ai aussi réalisé un programme MEL pour générer l’eau de la baie de NY. Cette méthode utilise 3 moteurs de rendu (Renderword, Renderman et Maya) et près de 10 layers. Dans le département FX, le plus gros défi fut les traces des pas de “la chose” quand il est traîné par le camion de pompiers.

BM : Quels logiciels et matériels ont été utilisés ?’

LJ : D’un point de vue logiciel, nous avons utilisé Photoshop pour la partie 2d, Maya pour la partie 3d, pour le compositing nous avons utilisé Shake, Combustion, un Flame et un Inferno, pour le rendu RenderMan géré avec Alfred. Èvidemment ces logiciels sont agrémentés de nombreux développements internes. Du coté matériel, nous avons utilisé des PC équipés de Pentium 4 à 3 Ghz, 2 Go de mémoire et de carte Quadro FX1100 sous Linux pour les stations de travail et total de 130 dual Xeon 2,6 à 3Ghz pour les machines de rendu, elles aussi sous Linux. Il reste “encore” quelques machines sous Windows pour le département de texture pour photoshop.

Hum.. Je devrai mettre un peu d’ordre sur mon burreau :-)

BM : Avez-vous rencontré des problèmes lors de la création des effets spéciaux ?

LJ : Les plans des traces de pas de “la chose” dans le sol nous ont causé beaucoup de soucis. Ces plans sont en très gros plan et nous devions faire rentrer les pieds dans le sol alors qu’il a été tourné sur le sol… Finalement, nous sommes très contents du résultat final.

BM : Combien de personnes ont-elles travaillé avec vous ?

LJ : Pour le département FX, nous étions 8 personnes à Montréal et 3 Los Angeles pour les effets du champ de force et des explosions. Le nombre total de personnes ayant travaillées pour Méteor dans les différents départements est de 116.

BM : Combien de temps le film a-t-il nécessité ?

LJ : 6 mois de travail en comptant la pré-production et la production. C’est l’avantage des projets film de pouvoir avoir une bonne pré-production même si ce n’est pas facile de travailler avant le tournage (peu de références et cahier des charges plutôt flou).

BM : Que pensez-vous de la polémique autour du personnage de La Chose (The Thing) ? Lorsqu’ils ont vu la bande-annonce, beaucoup de fans ont pensé qu’il aurait mieux valu employer aux images de synthèse plutôt qu’à un véritable acteur dans un costume…

LJ : Je suis d’accord, “la chose” aurait été plus “réaliste” et plus proche du personnage du comics en utilisant la 3d. Pour mon point de vue, le problème se situe au niveau des muscles. Ces derniers sont très inertes avec le costume. Mais, Il ne faut pas se le cacher, le fait d’utiliser un personnage principal totalement en 3d durant tout le film aurait coûté bien plus cher et aurait certainement compliqué le “jeu” des autres acteurs.

BM : Pensez-vous que Hollywood soit définitivement entré dans l’ère du chroma-key (depuis Star Wars III, Sin City, Captain Sky, etc.) ? Peut-on encore améliorer cette technique selon vous ?

LJ : Oui, je pense qu’Hollywood va de plus en plus utiliser les chnoma-hey pour 4 raisons : faire des plans toujours plus impressionnants, pour des problèmes de coût de tournage (tournage sur la mer), à cause d’impossibilités de tournage (c’est le cas de notre séquence de F4 sur le pont de Brooklyn) et ce qui est plus intéressant pour faire un autre cinéma avec par exemple les deux derniers films que vous citez (Sin City et Captain Sky).

Je pense qu’il serait possible d’améliorer dans 2 domaines ; le tournage (meilleur jeux des acteurs face à un danger non présent sur le tournage mais en 3d, meilleure illumination, lumières interactives, prévisualisation en temps réel des décors 3d durant le tournage (déjà utilisé dans I.A.), camera numérique sauvant le zdepth,…) et pour la postproduction (amélioration de la lumière, shadow contact,..).

BM : Enfin, pensez-vous qu’une suite aux Quatre Fantastiques soit déjà prévue ?

LJ : Elle est sûrement planifiée, mais verra le jour seulement si les résultats du box-office F4 répondent ou dépassent les attentes de la Fox. Je pense, que nous aurons sûrement la réponse avant la fin du mois de juillet.